L'espoir des spectres, ils ont oublié jusqu'à leur propre nom, jusqu'à leur propre origine... des spectres, des figures de l'oubli, des particules de temps.
EAN13
9782814505568
Éditeur
PublieNet
Date de publication
Collection
Portfolios
Langue
français
Fiches UNIMARC
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L'espoir des spectres

ils ont oublié jusqu'à leur propre nom, jusqu'à leur propre origine... des spectres, des figures de l'oubli, des particules de temps.

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C’est une façon de la mémoire : on remonte à soi des morceaux de scènes où
l’on se voit jouer, rire à l’objectif, adossé à une barrière ou l’air absent,
regardant vaguement au-dedans de soi dans un costume étriqué à la manière du
Gilles de Watteau.

Les souvenirs ne sont pas des scènes enregistrées subjectivement par la caméra
de nos yeux, mais des images que celui que nous sommes aujourd’hui observe
par-dessus l’épaule de celui qu’il était autrefois et qu’il a perdu. Nous
sentons bien qu’ici un certain retournement nous regarde. Des paysages, des
visages saisis dans leur silence et pourtant comme au bord de se dire. Le
deuil que l’on fait de soi-même à chaque instant. Ou plutôt que l’on ne
parvient pas à faire, revenant toujours trop tard sur ce mouvement intime qui
nous échappe. C’est ce qui hante nos figures.

Pareil silence obscur règne sur nos souvenirs. On ne sait jamais tout à fait
de quelle fabrique ils sont issus, ce qu’ils écrivent. Ils lèvent à nos
regards des armées de personnages comme chaque jour se lève devant nos yeux
l’étrangeté de notre nouveau visage.

Naturellement, le texte par lequel Léa Bismuth accompagne ces figures anonymes
d’acteurs de l’histoire s’accorde aux mouvements du temps, aux confessions que
l’on fait aux journaux intimes ou aux lettres quand ceux-ci mélangent ce que
l’on se dit à soi-même et ce que l’on confie à d’autres. Écrivant, elle s’en
remet à cette fragilité, avouant des larmes, des rires, le blanc des neiges,
la solitude. Elle se demande alors ce que rejoignent en elle ces figures
peintes, cette petite fille bandée qui interrompt son jeu, « immobilisée dans
une chorégraphie muette ». Et c’est en lisant Proust qu’elle retrouve
l’ambiguïté de ces images dont on ne sait si elles émergent de la mémoire ou
de rêves. « Les images choisies par le souvenir sont aussi arbitraires, aussi
étroites, aussi insaisissables que celles que l’imagination avait formées et
la réalité détruites. »

Ponctué de ces extraits de La Recherche, le texte de Léa Bismuth adopte la
forme des vertiges de l’introspection, cheminant au bord des cavités abruptes
de la mémoire.

Ce que ces fillettes, ces fratries, ces silhouettes anonymes disent pour soi
c’est la perte ; comment une part de nous s’engouffre dans les abîmes du temps
et comment cette part justement réclame qu’on la rêve.

Jérémy LIRON
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