En principes: Serge Bouchard, Printemps-été 2018
EAN13
9782897593704
Éditeur
Atelier 10
Date de publication
Collection
Nouveau Projet
Langue
français
Langue d'origine
français
Fiches UNIMARC
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En principes: Serge Bouchard

Printemps-été 2018

Atelier 10

Nouveau Projet

Livre numérique

  • En principes: Serge Bouchard

    Aide EAN13 : 9782897593704
    • Fichier PDF, avec Marquage en filigrane
    0.99
1\. La justice qui répare. Dans la cour de mon école primaire, j’étais du camp
des justiciers. Ce parti pris m’est venu sans que j’y réfléchisse. Ce n’était
rien que des petites affaires, mais à l’échelle de notre monde, la chamaille
prenait des airs de grandes guerres. Je faisais la bataille aux intimidateurs
qui abusaient de leur force pour s’en prendre aux plus faibles. Dans les films
de cowboys, je souhaitais que Geronimo l’emporte sur John Wayne, que le chef
apache parvienne à chasser la cavalerie américaine de ses terres. Le spectacle
de l’injustice m’a toujours profondément indigné. J’ai été pour les pauvres
contre les riches, pour l’Afrique contre le colonisateur, pour l’ouvrier
contre le patron, pour la déesse-mère contre le Dieu vengeur, pour les
victimes, les oubliés, les opprimés. Comment réparer un monde à ce point
brisé? D’ailleurs, la rue où je faisais peur aux méchants de mon enfance
s’appelait boulevard de la Réparation. 2\. La nature qui console. J’ai appris
la beauté en observant un arbre. Était-ce un orme, un tremble? Je ne m’en
souviens plus. Mais c’était un arbre. Et l’émotion ressentie devant son
écorce, ses rides, ses marques, ses blessures—la patience du bois—m’a révélé
toute la complexité des chemins du temps. J’ai été bouleversé devant le
fleuve, les bateaux, le ciel, les nuages, les tempêtes et les orages, les
oiseaux. La beauté est devenue ma réalité. Je l’ai toujours cherchée, trouvée,
dans l’ordinaire des jours, dans le camion, dans l’autobus, dans le regard des
gens et leur histoire, dans les vieilles maisons, les champs minutieusement
fauchés, dans l’apparition d’un animal sauvage au détour d’un sentier. Autant
dire que j’ai détesté mon époque, son bâti, ses devantures commerciales, ses
architectures fonctionnelles et son insipide logique de l’économie. Je me suis
toujours consolé en sachant que là-bas, vers le nord, des milliards
d’épinettes noires veillent à la beauté absolue.
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