Delphine Seyrig, en constructions

Delphine Seyrig a l'une des carrières les plus remarquables et exigeantes de
l'histoire du cinéma : elle a tourné avec Alain Resnais, Jacques Demy,
François Truffaut, Chantal Akerman, Joseph Losey, Luis Bunuel, Marguerite
Duras ou encore Guy Gilles. Plusieurs de ses films sont des chefs-d'oeuvre
connus et célébrés dans le monde entier : L'Année dernière à Marienbad, Peau
d'âne, Jeanne Dielman, India Song, Le Charme discret de la bourgeoisie...
Précocement disparue en 1990 à l'âge de 58 ans, elle reste aujourd'hui, plus
de 30 ans après, une icône à la fois dans le milieu du cinéma et du théâtre,
mais aussi au sein du mouvement féministe dont elle fut l'une des grandes
figures (elle est notamment l'une des signataires du Manifeste des 343 en
1971). L’objet de cet essai (le premier en solo de Jean-Marc Lalanne, ancien
rédacteur en chef des Cahiers du cinéma, actuellement rédacteur en chef aux
Inrockuptibles et l'une des figures majeures de l'émission Le Masque et la
Plume) est de cerner de quelle façon l’œuvre de Delphine Seyrig tend à
désessentialiser la question de l’identité. Toutes les constituantes d’un être
humain – son genre, son appartenance de classe, son âge, etc. –, l’ensemble
des caractéristiques qui paraissent le définir, le travail de l’actrice et de
la cinéaste a consisté à les pointer comme des constructions. De façon plus
articulée et conceptuelle que toute autre actrice, elle est une femme qui a
joué le fait d’être une femme, d’être blanche, bourgeoise ou pas, belle ou
pas, jeune ou pas, saine d’esprit ou folle… Rien de ce qu’elle incarne dans un
film n’est le simple prolongement d’un être-au-monde, qui serait le sujet
Delphine Seyrig, mais plutôt une production critique, un regard porté sur des
stéréotypes culturels, une façon d’articuler ou doubler chaque chose de ce
qu’elle n’est pas (être une femme, c’est ne pas être un homme ; être blanche,
c’est ne pas être racisée, etc.). A l’écran, Delphine Seyrig n’est pas une
femme mais montre ce qu’est une femme, le documente - ou ce qu’est une
bourgeoise, ou une femme de 40 ans, ou un être humain occidental de la
deuxième moitié du XXe siècle. Chaque chapitre du livre, abordant un point
précis de la vie ou de la persona de Delphine Seyrig, sera l’occasion d’une
retraversée de toute l’œuvre, de focus particuliers sur certains films ou
épisodes biographiques, avec beaucoup d’analyses détaillées de séquences de
films. Jean-Marc Lalanne est journaliste et critique de cinéma. Il occupe une
fonction de rédacteur en chef aux Inrockuptibles. Il a été auparavant
rédacteur en chef des Cahiers du cinéma et critique dans les pages cinéma de
Libération. Il est le coauteur avec Philippe Azoury de Fantômas, style moderne
(Yellow Now, 2002) et Jean Cocteau, désordres (Cahiers du cinéma, 2003), avec
David Martinez de Wong Kar-wai (Dis voir, 1997) et Stéphane Bouquet de Gus Van
Sant (Cahiers du cinéma, 2009). Il collabore régulièrement au Masque et la
Plume sur France Inter.