La main de Dieu

Yasmine Char

Folio

  • Conseillé par
    18 avril 2010

    En équilibre instable entre deux mondes

    Roman de Yasmine Char. Lecture commune avec Clara et Nina.

    Elle a quinze ans. Elle vit au Liban. De son pays, elle ne connaît que la guerre, la ligne de démarcation. Fille d'un homme libanais et d'une Française qui les abandonnés, elle grandit seule, en équilibre fragile entre deux mondes. Il y a les traditions musulmanes de la famille du père. Et il y a les espoirs occidentaux du lycée français. En robe verte à volants, la jeune fille court sur la ligne de démarcation en priant Dieu qu'il l'épargne, qu'il la sauve de la violence.

    La ligne de démarcation, "no man's land, frontière des deux religions" (p. 17), c'est la ligne directrice du roman. Tout a une place, d'un côté ou de l'autre de cette frontière: la jeune fille et la femme, les chrétiens et les musulmans, le père et l'amant, l'innocence et le crime. Mais il n'y a pas de bon ou de mauvais côté. Chaque pas chancellant que la jeune fille pose sur la ligne est un pas de plus dans l'incertitude. Incapable de choisir un camp, elle s'empare de tout et veut profiter du meilleur. Cri patriotique tout entier, la jeune fille incarne un pays en guerre: "Je ne suis pas une fille, je suis un soldat, avec mon âme, avec mon sang, je libérerai ma patrie." (p. 53) Mais quelle est sa patrie, on ne le sait pas.

    La robe verte virevoltant dans les rues et dans l'horreur est un faux symbole d'espoir. Il n'y a pas d'espoir puisqu'il n'y a pas de dialogue, pas d'échange, puisque la ligne de démarcation est plus solide et infranchissable qu'un mur.


    J'ai trouvé dans le texte des échos de Barbe Bleue, notamment dans la pièce fermée interdite, lieu de mystère et d'attraction. Aux côtés de l'amant français, la jeune fille transgresse l'interdit, brise le tabou de la sexualité et s'oppose au père. Le fantasme d'un homme autre que le père est si fort qu'elle oublie même qu'elle est une enfant et qu'elle ne se voit plus qu'en femme absolue, guerrière de l'amour, dévouée à l'homme jusqu'à l'horreur;

    Il y a aussi des traces de L'amant de Marguerite Duras. La rencontre brutale et dévorante entre une jeune fille et un étranger, la passion charnelle sans avenir, les scènes érotiques et intimes sont de brûlants rappels de l'oeuvre de la romancière française.

    Le texte se lit vite, mais j'ai peu apprécié l'usage du français dans le récit des souvenirs. Le temps mis à plat, réduit à une unique immédiateté, sans recul ni projection rend le récit peu digeste et opaque. Mais la figure de la jeune fille est touchante, finement traitée dans ses doutes et ses révoltes.

    Un grand merci à et aux éditions Gallimard/Folio qui m'ont offert ce livre.


  • Conseillé par
    18 avril 2010

    Nous sommes au Liban, à Beyrouth, dans les années soixante-dix. Beryrouth sous la guerre où il y a la Villa Blanche, la maison de cette famille où le père s’est retranché depuis que sa femme, une française, l’a quitté. Une maison où la famille du père régie tout depuis que la française est partie. Leur fille, avait 8 huit maintenant elle en a quinze. De l’enfance heureuse, elle est devenue est devenue un corps frêle, aux cheveux couts qui court, qui entend et qui voit l’horreur de la guerre. Elle rencontre un homme, un reporter français. Il devient son amant et l’initie à la guerre.

    Mon résumé ne peut pas être complet car ce livre court est dense, très dense par tous les sujets abordés. J’ai relevé des passages pratiquement toutes les deux pages tellement il y a d’éléments marqueurs. Un roman qui alterne une narration entre le « je » et le « elle », le passé et le présent ce qui donne encore plus de force à l’écriture et à l’histoire. Je le dis tout de suite, j’ai été conquise par ce style !

    Et quelle histoire ! La jeune fille se définit comme une tueuse à quinze ans. Premier choc pour le lecteur « ce visage du tueuse, il a dû se construire autour de ces drames. Il n’est pas apparu comme je l’ai cru. Ce ne sont pas les bommes qui ont creusé qui ont creusé les joues. Le visage était en préparation depuis longtemps, la guerre la révélé ».
    On la suit, on voit comment elle se détache de l’enfance, comment elle cache tout ce qui est signe de féminité. Elle va au Lycée français alors que les tireurs embusqués sont à chaque coin de rue. La peur, elle a appris à vivre avec comme si elle s’était faite une raison de la guerre. Il y a ses tantes, ses oncles qui la traitent différemment parce que sa mère français est partie avec un autre homme. A leurs yeux, elle représente le mal, un danger. Et la rencontre avec cet homme qui se fait passer pour un reporter. Il est français, elle y voit un signe du destin. La découverte de l’amour charnel et de la première fois marque la fin de l’innocence. L’adolescente prend du plaisir interdit, se contrefiche de la morale, de la religion. La guerre va la rattraper, elle ne peut pas lui échapper et cet homme va lui demander de tuer pour lui.

    Un livre très fort que j’ai lu en apnée totale. L’écriture y est splendide et dure en même temps. On se retrouve transporté à Beyrouth mais surtout on prend la place de cette jeune fille. Une lecture belle et bouleversante dont on ne sort pas indemne… encore un gros coup de cœur pour moi !