À quoi songent-ils, ceux que le sommeil fuit ?

En une trentaine de courtes fictions, Gaëlle Josse explore ce moment du soir où on ne peut s'endormir à cause de ce qui obsède.
Juste après cet instant où on ne sait pas distinguer le jour de la nuit, ce moment où on devrait s'endormir dans la paix et le calme, des peines, des doutes ou des joies assaillent l’insomniaque.
Gaëlle Josse les explore, nous fait croiser ces insomniaques temporaires. Cet homme veuf qui attend en vain un appel de sa fille. Cette jeune femme fâchée avec sa sœur à cause du "brillant de maman" auquel, finalement, elle ne tient pas. Ce chirurgien expérimenté qui vient de perdre son patient. Cet enfant dont le père est parti. Ce pianiste perdant la mémoire, qui vient de jouer son dernier concert. Cet homme qui tient les mains de son épouse hospitalisée pour une dernière étreinte. Ce jeune homme qui revient habiter dans la maison héritée de ses parents et qui ne peut se défaire du fantôme de son frère décédé.
Moments d'ombre dans des vies ordinaires. Émouvant.
Et d'autres, encore, plus joyeux. Cette femme qui, de sa fenêtre, regarde des couples d'amoureux. L'ado en vacances familiales qui éprouve l'éloignement de son amoureuse. Ce jeune homme qui se découvre très amoureux de sa copine. Ce couple qui attend un enfant et qui vient d'emménager dans le logement qu'ils ont choisi.
Moment lumineux dans la nuit qui tombe.
Et l'histoire qui m'a le plus touché est celle de de ce prêtre qui entend, "le cœur au bord des lèvres", un homme qu'il ne connaît pas lui avouer un crime sexuel. Tenu par le secret de la confession, il ne pourra jamais en parler à qui que ce soit. "Ce soir, c'est la déroute".
Gaëlle Josse possède ce talent de pouvoir nous faire entendre ces conversations intimes avec soi-même que tiennent ceux que le sommeil fuit. Ces sont des aveux, des prises de conscience, des souvenirs, des espoirs, des regrets, des joies, des bonheurs. Elle décrit de façon précise et gracieuse, parfois même avec de l'humour, ce que nous ne pouvons connaître de nos frères humains au seuil de la nuit.
Le recueil se termine avec "une scène d'intimité familiale en plein air, en pleine rue, en pleine ville", une scène poignante qui pourrait hanter le début de nos propres nuits.
Virtuose.

Des petites histoires, qui se lisent vite, mais qui racontent, chacune, une expérience de vie, importante ou banale, solitaire ou à plusieurs, qui ont toutes pour dénominateur, la nuit ! Passionnant !
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