Le Suicideur
EAN13
9782352886969
Éditeur
City éditions
Date de publication
Langue
français
Fiches UNIMARC
S'identifier

Le Suicideur

City éditions

Livre numérique

  • Aide EAN13 : 9782352886969
    • Fichier PDF, avec DRM Adobe
      Partage

      6 appareils

    6.00
**Extrait**


Prologue


Clare Matthews etait transie, trempee, et en retard pour le diner… une fois de
plus. Tandis que la rame s'arretait a la station Seven Hills, elle scruta le
quai desert sous la pluie battante et se prepara a courir pour se mettre a
l'abri. À peine avait-elle fait deux ou trois pas que la tempete se dechaina
et retourna son parapluie. Esquivant les flaques d'eau, elle se rua dans
l'escalier, traversa la passerelle et devala la rampe d'acces au parking a
plusieurs niveaux. Une fois au sec dans l'entree, elle fut prise d'une quinte
de toux et s'essuya le nez du revers de sa manche de cardigan mouille. Plus
haut, sur les marches, une bande d'adolescents la siffla.
Clare sentit son pouls s'accelerer. Elle avait travaille avec des filles qu'on
avait violees dans des circonstances semblables. Elle se retourna et comprit
soudain que personne d'autre n'etait descendu du train. La foule habituelle de
l'heure de pointe etait partie depuis longtemps, en quittant tot le travail
pour le week-end.
Continue de marcher ; ne les embete pas et ils te ficheront la paix.
-- Mate un peu ce qui arrive…
L'un des jeunes gars glissa le long de la rampe et atterrit devant elle.
-- Un viol collectif, ça te tente ?
Il se pencha en avant et lui effleura le bras de son doigt tendu.
Écoeuree, elle fit volte-face et rebroussa chemin, mais il la saisit par
derriere et la plaqua contre son bas-ventre. Les autres eclaterent de rire.
Elle lui balança son sac au visage et se precipita dans l'escalier. À mi-
hauteur, deux autres gars surgirent et lui barrerent le passage, tandis que
des mains lui tripotaient les seins.
-- Laissez-moi tranquille ! hurla-t-elle en se debattant.
L'un des jeunes releva sa jupe jusqu'a la taille et voulut lui fourrer le
poing entre les jambes. D'une main, elle para le coup et, de l'autre, lui
enfonça la baleine de parapluie cassee dans l'aine, ou du moins l'esperait-
elle. Il recula aussitot en se protegeant l'entrejambe. Elle gravit les
dernieres marches a toute vitesse alors que des jurons suivis d'eclats de rire
resonnaient entre les parois de beton de l'escalier.
Une douleur lui vrilla la poitrine lorsqu'elle ouvrit la porte donnant sur le
deuxieme niveau. Reprimant une nouvelle quinte de toux, elle tenta de se
rappeler, affolee, ou sa voiture etait garee. Dans l'escalier, les rires et le
bruit cesserent. Ce silence l'effraya encore davantage.
Empoignant ses cles d'appartement dans son sac, elle s'accroupit derriere un
pilier, toujours incapable de reperer son vehicule.
Des qu'ils auront franchi cette porte, je fonce dans l'escalier et je retourne
sur le quai. Il y aura sans doute quelqu'un.
Les rires tapageurs reprirent et s'amplifierent.
C'est alors que l'homme apparut. Dieu merci, elle n'etait pas seule ! Une main
sur la poitrine, elle se precipita dans sa direction.
Il avait l'air d'un avocat : long manteau noir, chaussures de prix, coiffure
irreprochable.
-- C'est la troisieme fois que j'appelle ! brailla-t-il dans son portable
tandis qu'elle reperait sa Volkswagen enfin retrouvee. Il s'agit d'une BMW
noire, je vous dis... L'individu trouva le temps de lui grimacer un sourire en
poursuivant sa conversation. Clare se retourna. Personne ne la suivait. Elle
en trembla de soulagement. Sa voiture se trouvait juste dans cette allee.
Elle prit le temps de quelques lentes et profondes inspirations, puis
contempla de nouveau l'inconnu. Une BMW en panne... le bon Dieu avait donc un
certain sens de l'humour, tout compte fait !
D'une main encore hesitante, elle glissa la cle dans la serrure et ouvrit la
portiere de sa Volkswagen jaune. En se penchant, elle lança son sac sur la
banquette arriere. Des bris de verre jonchaient le siege avant et le plancher.
Quoi ?
-- Ils s'en sont pris aussi a la mienne !
L'avocat s'approcha, serviette en main.
-- Ils ont essaye de me voler ma BM, en cassant le barillet d'allumage dans la
foulee. Elle ne veut plus demarrer.
Clare jeta un oeil sur la porte donnant sur l'escalier. Personne d'autre a cet
etage… pour l'instant.
-- Nous devrions appeler la police, finit-elle par dire.
-- C'est deja fait. Mais avec cette tempete et tous les departs en week-end du
vendredi soir, ils ont des tas d'accidents sur les bras. Le Motor Club mettra
au moins deux heures a venir, ils m'ont dit qu'il valait mieux que je me rende
au poste de police local.
Le regard de l'homme balaya le parking quasiment vide.
Malgre elle, Clare guettait le moindre signe de l'arrivee de la bande de
jeunes.
-- Nous pouvons aller y faire une deposition et, au moins, rentrer chez nous
ce soir.
Il s'interrompit, comme s'il attendait une proposition.
-- Est-ce que vous pourriez par hasard nous y emmener ? D'ordinaire, je ne
m'imposerais pas, mais cela fait deja une heure que je suis la et personne
d'autre ne va pouvoir m'aider. Avec ces voyous qui trainent, qui sait ce qui
m'attend ?
Songeant a la façon dont ils l'avaient pelotee dans la cage d'escalier, Clare
ne tergiversa pas davantage.
-- OK, dit-elle, en tendant la main pour saisir un plaid sur la banquette
arriere. Faites vite. Servez-vous-en pour balayer les eclats de verre.
-- Merci.
Sourire de gratitude aux levres, l'homme epousseta le siege passager et s'y
installa. Un parking isole, c'etait bien le dernier endroit ou tous deux
souhaitaient s'eterniser.
Toujours tremblante, Clare demarra. Le moteur tourna au ralenti, puis cala.
L'inconnu se pencha en avant, comme pour faire avancer le vehicule.
-- Ne vous inquietez pas, elle ne demarre presque jamais du premier coup.
Clare prit une profonde inspiration, tira sur le starter, tout en jouant avec
la pedale de l'accelerateur.
-- C'est gentil de votre part. Apres tout, nous sommes tous les deux plus ou
moins victimes…
Un crissement de pneus les fit sursauter. Quelqu'un sillonnait l'etage au-
dessus a vive allure ; un second crissement retentit, bien plus proche.
-- Allez, demarre ! insista Clare.
Cette fois, le moteur ronronna et elle desserra le frein a main.
-- Ce n'est peut-etre pas une BM, mais on peut lui faire confiance.
L'individu se retourna sur son siege en regardant fixement par la lunette
arriere intacte, tandis qu'ils roulaient vers la sortie.
-- Je ne pense pas qu'ils nous suivent, reprit Clare, sans trop savoir lequel
des deux avaient le plus besoin de se rassurer.
Une fois hors du parking, elle s'arreta au stop, en attendant de pouvoir se
glisser dans la circulation.
Son passager reprit enfin la parole :
-- Eh bien, Clare… Je commençais a me faire du souci. D'habitude, vous
n'arrivez pas aussi tard a la gare !
S'identifier pour envoyer des commentaires.