Une dominatrice rêvée, La Vierge enluminée
EAN13
9782866883683
Éditeur
Dominique Leroy
Date de publication
Langue
français
Fiches UNIMARC
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Une dominatrice rêvée, La Vierge enluminée

Dominique Leroy

Livre numérique

  • Aide EAN13 : 9782866883683
    • Fichier EPUB, libre d'utilisation
    5.99
**EXTRAIT**





La mobylette roule à petite allure et fend l'inerte masse de coton qui fait
comme un bouchon sur la route mouillée. Le bruit régulier du moteur qui se
perd et meurt derrière moi est le seul symptôme de vie de cette campagne
glacée et désertique. La route pénètre dans le bois, le brouillard se fait
moins dense et j'accélère légèrement ma machine, j'ai hâte, terriblement hâte
d'arriver au couvent. Brusquement, j'ai la sensation lugubre d'avoir entendu
un cri venant des fourrés noirs et menaçants, un cri bizarre, comme un appel.
Je ralentis légèrement... Cette fois, bien distinctement, tout près, me
parvient, un appel: « Au secours », un cri déchirant, presque inhumain, le cri
d'un homme. Je m'arrête, je mets ma mobylette sur sa béquille mais je laisse
tourner le moteur et la lumière. Je m'avance sur la route et, sans y prendre
garde, je me place dans le faisceau de mon phare. Ce que je vois sortir du
bois et se jeter sur la route devant moi est informe, immonde, répugnant et,
cependant, c'est un homme: une sorte de géant bossu, aux jambes tordues, aux
bras trop longs pendants jusqu'aux genoux, au faciès de gorille et aux cheveux
hirsutes. A cette apparition, l'homme le plus brave aurait senti un frisson
lui parcourir l'échine, aurait défailli ou, tout au moins, marqué un geste de
recul. Dieu me donne le courage de ne pas bouger, de rester droite, prête à
affronter le monstre. Celui-ci, lorsqu'il m'aperçoit, s'arrête, ébahi, se
balançant sur ses jambes instables à le soutenir. Il grogne plutôt qu'il ne
dit :
\- Sainte Vierge... à moi... Sainte Vierge Marie, mère de Dieu !
Et, stupéfaite, je le vois s'abattre sur les genoux, se prosterner devant moi,
allonger son grand corps difforme sur la chaussée mouillée et faire, en
rampant sur le ventre, les quelques centimètres qui le séparent de moi.
Toujours il répète:
\- Sainte Vierge... à moi... Sainte Vierge Marie, mère de Dieu !
Pétrifiée, je n'ose bouger; le monstre prend mes chevilles dans ses mains
énormes et, doucement, il me baise les pieds. Quelques sons rauques sortent de
sa bouche.
\- Merci Sainte Vierge !... apparue... à moi... les ombres... la forêt... le
diable était là... après... des grandes dents... je serais mort... tu es
venue... Sainte Vierge Marie, mère de Dieu.
L'espace d'une seconde, je revois mon rêve de petite fille : la Sainte Vierge
Marie ! Ce pauvre malheureux, cet idiot perdu dans les bois me prend pour la
Vierge, c'est inouï. Je décide de jouer le jeu. Tant qu'il me prendra pour la
Sainte Vierge, je ne risque rien.
\- Oui, dis-je d'une voix que je m'efforce de rendre calme ; oui, je suis la
Sainte Vierge Marie et je suis venue pour te sauver du royaume des ombres, des
Enfers damnés. J'ai entendu ton appel et j'ai vu que tu avais besoin de moi.
Le malheureux, à nouveau, me baise les pieds.
\- Sainte Vierge... à moi... Sainte Vierge Marie mère de Dieu. Répète-t-il.
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