Hervé B.

Au bagne, Dante n'avait rien vu, Chez les fous, La Chine en folie, Marseille, porte du sud, Le chemin de Buenos-Aires, L'homme qui s'évada, Terre d'ébène, Le juif errant est arrivé, Pêcheurs de perles, Les comitadjis

Arléa

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20 novembre 2009

Voyage dans Londres

Je suis tout à la joie de me replonger dans Londres. Pas la ville, non, Londres, le grand Albert, vous savez, le phare de tous les journalistes un peu curieux et qui se sentent la fibre. Le revoilà dans ce gros volume paru chez Arléa comme on les aime, onze livres réunis, 900 pages pile-poil, souple, typo bien serré, façon Bouquins. La bête était déjà sortie il y a une quinzaine d'années, et avait disparu pour une sombre histoire de domaine public, de lois, d'années de guerre et d'ayants-droits chafouins...

Les présentations d'Assouline et de Guillebaud sont excellentes, et hop c'est parti. Plongée au bagne, au pénitencier, chez les fous, en Chine, à Buenos-Aires, en Afrique (il y a du Tintin chez Londres ! mais du Tintin sombre), cette plongée dans tous les endroits où ça déconne dans ces années 1920-30. A chaque fois la même méthode, le terrain, l'humain, chercher le moment où ça se fissure, les autorisations, les silences, les non-dits, puis au moment où ça s'ouvre à grosses vannes, le papier, tout écrire, tout dire et hop rotatives, les lecteurs attendent ! Des scènes incroyables (celle de ce docteur qui collectionne les cerveaux dans des pots de chambre), il y a du génie chez Londres, de la liberté, la verve, de l'humour même quand on traite de la barbarie. "Je ne suis pas fou, du moins visiblement, mais j'ai désiré voir la vie des fous. Et l'administration française ne fut pas contente. Elle me dit : "Loi de 38, secret professionnel, vous ne verrez pas la vie des fous." Je suis allé trouver des ministres, les ministres n'ont pas voulu m'aider. Cependant, l'un d'eux eut une idée : "je ferais quelque chose pour vous, si vous faites quelque chose pour moi : soumettez vos articles à la censure." Je cours encore. Tout Londres est la-dedans, on aimerait que Google, Yahoo et MSN aient le même discours en Chine! Justement des types comme Londres pour en savoir un peu plus, sur les endroits où ça déconne en 2007, et dieu sait si il y en a, on pourrait reprendre la liste comme le fait Assouline... On imagine Londres aux Jeux Olympiques, en Corée, au Darfour, en Colombie, à la Nouvelle-Orléans, parmi les sans-papiers, j'en passe... Et vous savez pas, Arléa a sorti aussi le deuxième volume, Cables et Reportages, un autre gros pépère...

Prix Goncourt des Lycéens 2009

Jean-Michel Guenassia, Jean-Michel Guenassia

Albin Michel

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19 novembre 2009

Une belle découverte

J'ai terminé hier le roman de Jean-Pierre Guenaccia, Le Club des Incorrigibles Optimistes, paru aux Editions Albin Michel, en version numérique sur le Cybook Opus. J'ai adoré, c'est vraiment un très bon livre qui va, je l'espère, rencontrer un grand succès dans les mois qui viennent. Il le mérite amplement. J'avais déjà pointé sur les nombreuses critiques élogieuses à propos de ce livre, d'autres encore depuis le début du mois, par exemple sur le NouvelObs hier. 760 pages, même beaucoup plus dans la version numérique, un vrai bonheur, un livre dévoré en quelques jours. Amusant de l'histoire, avant de commencer ce roman, j'ai terminé un autre roman de cette rentrée littéraire dans une version papier que j'ai eu un mal de chien à finir, comme on dit, tant il me tombait des mains...

Pas de souci entre support papier ou papier électronique, c'est bien des livres et du seul plaisir de lire qu'il s'agit. Nous sommes bien dans la motivation qui est au coeur de la lecture comme le rappelait très justement Thierry Baccino l'autre jour sur France-Inter. Quelques remarques concernant ma lecture sur le Cybook Opus. Je me suis empressé de désactiver l'accéléromètre au bout de 10mn, on ne va pas constamment changer son orientation de lecture. A la moitié du roman, j'ai également désactivé le flash de l'écran pour essayer et voir si les rémanences (effets fantômes) qui apparaissent étaient gênantes à la lecture. Je dois dire que non, j'ai terminé le roman dans ce mode en me faisant la réflexion que c'était exactement le même effet quand vous lisez un livre en papier mince, on pense à la Pléiade bien sûr. L'effet de l'encre qui passe très légèrement au verso du papier. Je me suis dit que je lisais comme dans la Pléiade! Guenaccia est déjà dans la Pléiade, incroyable, non! Bref, ce livre, en numérique, en papier, chez un libraire, dans votre bibliothèque, comme vous voudrez, lisez-le, vous ne le regretterez pas un instant!

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19 novembre 2009

Un très bon Besson!

Deuxième voyage "en numérique"dans cette rentrée littéraire avec le dernier roman de Patrick Besson "Mais le fleuve tuera l'homme blanc" publié chez Fayard dans sa version numérique. Je suis resté littéralement scotché sur mon Cybook Opus pendant quatre soirées suivant les péripéties africaines de son héros. Le roman tient à la fois d'un roman d'espionnage de gare, d'un essai-document sur la réalité des "affaires" africaines mais aussi d'une chronique à la dimension prophétique qui m'a rappelé par bien des égards le Cinquième Empire ou Ne Traversez pas le Zambèze de Dominique de Roux. Vraiment, je vous conseille, c'est du très bon Besson! A la fois foisonnant et captivant, il y a, en effet, du Bardamu et de la Bambola-Bragamance en filigrane! Voir également trois critiques sur LePoint, LeJDD, LaCroix et une interview sur Lire.

sa vie, son oeuvre

Le Temps qu'il fait

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19 novembre 2009

Vivent les libraires!

Quel merveilleux livre qui est paru au Temps qu'il Fait. D'abord le choix de cette couverture mythique avec Gérard Philipe que j'avais aperçu dans l'histoire de l'Edition française depuis 1945 (p.605). Je n'ai pas pu m'empécher de retrouver la page en question et la description de la campagne, qu'en fait Pascal Fouché, je cite : "Dès novembre 1949, le Cercle de la Librairie et le Syndicat national des Editeurs lancent une campagne de publicité intitulée [Campagne de propagande collective en faveur du livre], soutenue par la Chambre syndicale des Libraires de France, pour promouvoir la lecture... Avec pour slogans chez les libraires "Un homme qui lit en vaut deux", "Lisez ce que vous ne pouvez vivre" ; dans les bureaux de poste "Avec mes voeux, j'envoie un livre" ; une pour les hôtels "Jamais seule avec un livre" ; une aux boulangeries "Après le pain, le livre" ; une aux agences de voyages et aux Philippe bibliothèques de gares "Bon voyage avec un livre" ; une pour les écoles primaires "Amuse-toi aussi en lisant", et la dernière à l'enseignement secondaire et aux universités, "Pas de vraie culture sans lecture"...

Un an plus tard, l'expérience est reconduite et on y ajoute une affiche, celle, célèbre, montrant Gérard Philipe et intitulée "Dévorez des livres". Convaincu par le publicitaire Henri Sjöberg, Gérard Philippe se rend au studio où, devant l'objectif de Lucien Lorelle, il cesse de jouer, entre dans la peau de son personnage et se met à dévorer le livre à pleines dents. L'affiche très présente en librairie, se retrouvera également dans le métro et sur tous les murs", ça c'est du bon marketing avant l'heure ! Quel judicieux choix que cette couverture donc pour ce livre à entrées multiples (80 au total) qui vont de Amitié à Volatilité, en passant par Avenir, Bouquiniste, Chaînes, Colportage, Dépôts, Internet, Manga, Office, Retours, Rêverie et j'en passe... L'auteur, Patrick Cloux a été libraire pendant vingt ans, auteurs de nombreux livres, il est actuellement représentant pour les Editions Actes-Sud dans la région Rhône-Alpes. Remarques judicieuses sur le métier, humour, poésie, on se lasse pas de le suivre... Il vous donne carrément l'envie de pousser les portes des librairies, c'est bigrement contagieux son affaire. Un vrai livre de service public, que l'on devrait diffuser partout. Tous les libraires l'ont forcément en bonne place, et pour longtemps j'espère, courez-y vite.

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19 novembre 2009

Une délicieuse lecture

Un délicieux petit livre, celui de Jacques Bonnet, "Des bibliothèques pleines de fantômes" qui vient de paraître aux Editions Denoël, se propose de nous initier aux joies et aux vissicitudes des très grandes bibliothèques, celles des plus de 5000 volumes - les fantômes étant ces feuilles ou cartons que l'on met à la place d'un livre sorti d'un rayon de bibliothèque, d'un document emprunté. Ces grands paquebots sortis tout droit d'une époque qui semble aujourd'hui révolue et qu'il est bien difficile de barrer. J'ai connu Jacques Bonnet du temps où il officiait en tant que secrétaire général d'une grande maison d'édition, en essayant d'allier, bon gré mal gré, l'exercice périlleux de la passion des livres et de la rentabilité à deux chiffres. Il a heureusement poursuivi son chemin dans la première voie en tant que traducteur, éditeur, critique d'art et auteur, nous gratifiant de temps en temps de délicieux petits ouvrages.

Après "A l'enseigne de l'amitié" paru il y a quelques années autour du philosophe italien Giordano Bruno, il nous donne aujourd'hui un petit essai sur l'art et la manière de gérer une très grande bibliothèque, perpétuant en cela la tradition des grands bibliophiles et qui n'est pas sans rappeler les petits ouvrages du Bibliophile Jacob que l'on trouve de temps en temps dans les boites des bouquinistes. Le livre fourmille d'anecdodes (on regrette un petit index), de curiosités, de bizarreries sur l'art et la manière d'aimer les livres et de les accumuler. A ce propos, iI y a quelques années, un pompier de Paris m'avait raconté qu'il avait quelques années auparavant, vidé de toute urgence de ses livres un appartement qui menaçait d'écrouler l'immeuble entier. En fin d'ouvrage, l'auteur se pose la question de l'usage de ces bibliothèques dans leurs rapports avec le savoir. "Curieusement la source d'informations infinie que constitue Internet n'a pas pour moi le même statut magique que ma bibliothèque. Je suis devant mon ordinateur avec lequel je peux accéder à tous les renseignements inimaginables, encore plus maître du temps et de l'espace, et pourtant il y manque "le divin". Peut-être une question charnelle : je fais cela du bout des doigts, cela reste extérieur, cela passe par une machine et un écran. Rien à voir avec mes murs tapissés des livres que je connais - presque- tous par coeur. D'un côté j'ai l'impression d'être au commande d'un fabuleux bras articulé capable de toutes les performances dans le vide sidéral extérieur, de l'autre dans un utérus aux parois tapissées de rayonnage dont l'archétype romanesque pourrait être le Nautilus. Comme on le voit la question n'est pas seulement de rationalité". Sans opposer de manière dogmatique électronique et papier, Jacques Bonnet s'interroge s'il aurait constitué la même bibliothèque s'il avait été de la génération Internet? Sans doute pas, répond-t-il, même si pour lui : "Quant à lire Guerre et Paix ou feuilleter L'Os à moelle de Pierre Dac sur un écran, le support papier, comme disent les spécialistes, a encore tout un avenir".